À la famille de Robert Castonguay,
Robert Castonguay, l’homme de passion et de raison.
Le décès de Robert m’attriste profondément. J’adresse à vous, ces chers enfants et aux petits-enfants qu’ils adoraient, mes condoléances émues. Mes meilleures pensées vous accompagnent en ce moment de grandes émotions. Le départ d’un être de cette importance va creuser un vide au sein de votre famille. C’est rendre hommage à la vie familiale et personnelle de Robert, de rappeler qu’il fut un mari attentif, un père aimant, un grand-père immensément généreux. Doris et lui ont accordé à leurs petits-enfants une attention singulière et certains ont été accueillis sous leur toit à la manière des parents qui retrouvent leurs enfants.
Vous comprendrez les souvenirs tenaces qui remontent en moi : la vie simple de notre village natal, les racines profondes qui marquent notre identité et le partage de la culture première, celle qui nourrit la mémoire vive. Ce retour aux sources tient à la personnalité de l’homme, à sa carrière et à l’œuvre qu’il laisse en héritage aux Gaspésiens. J’évoquerai rapidement pour la famille et les amis, des souvenirs qui, généralement, n’apparaissent pas dans les biographies.
Je l’ai découvert à l’école de Rivière-à-Claude. Robert s’est révélé à nous comme une force tranquille. En vérité, c’était un jeune homme brillant et de belle allure. Son institutrice, Lévânée Lévesque, n’avait d’yeux et d’oreille que pour lui. Ses qualités intellectuelles auraient pu le conduire vers de longues études. Comme beaucoup de jeunes de notre époque, il a dû, à regret, y renoncer. Cependant, sa capacité d’apprendre lui aura permis de maîtriser parfaitement l’essentiel des connaissances de base et surtout de sa langue maternelle dont il parlait et écrivait admirablement. Robert était un autodidacte aux multiples talents, faut-il le rappeler. Son père, Antoine était charpentier-menuisier. Comme lui, Robert a construit sa maison. Il pouvait fabriquer des meubles, construire des maisons et décorer l’église. Je l’ai également vu à l’œuvre en forêt avec ses frères Oscar et Réal. Sa carrure enviable, lui permettait de couper sapins et épinettes pour faire de la « pitoune de quatre pieds » qu’ils écorçaient et cordaient. Du beau bois qu’il vendait à vil prix à des acheteurs peu soucieux de l’effort humain investi dans une corde de bois. On retrouvait chez Robert, l’artiste, le chanteur dont la voix de ténor en faisait un excellent interprète des chansons de Tino Rossi et de Georges Guétary. À l’occasion des veillées danse, les soirées à la salle paroissiale ou après les parties de hockey, il acceptait, à la demande générale et en se faisant prier un peut, de chanter au grand plaisir d’un public gagné d’avance.
Mais, le talent Robert ne pouvait qu’exploser. Très tôt, il fit son entrée dans la fonction publique comme garde-chasse et garde-pêche, puis agent de conservation de la faune. On a vite remarquer ses capacités à diriger des équipes, à planifier et organiser le travail de ses hommes et surtout à rédiger des rapports bien documentés. De là, Il s’est démarqué par son ardeur peu commune au travail et son professionnalisme. Ses supérieurs comprirent qu’il pouvait brillamment assumer la fonction directeur du Parc national de la Gaspésie. Une grande partie de sa carrière fut consacrée au service public, ses succès en ont fait un serviteur de l’État aimé et respecté. Robert était un homme de vision avec un flair hors du commun. Il l’a prouvé lorsqu’il est intervenu vigoureusement auprès du gouvernement pour sauver les Jardins de Métis, patrimoine floral inestimable, laissé en héritage à la région par la fondatrice, Elsie Reford. Robert était ému lors de l’évènement soulignant la remise par l’État des Jardins à la famille Reford et aux Ateliers Plein Soleil en 1995. Aujourd’hui les Jardins de Métis sont un parc floral de réputation mondial. N’eût été de la vigilance de Robert, on parlerait, sans doute, des Jardins de Métis comme d’un mauvais souvenir.
Son engagement social s’est manifesté très tôt dans sa vie active. Il est devenu, presque naturellement, maire de la municipalité de Rivière-à-Claude. Sa vision du développement local fut perçue aux yeux de certains, comme une menace. Ses idées dérangeaient, il voyait grand pour son village : Un système d’aqueduc et d’égout, pavé les rue des Auclair et des Castonguay jusqu’au fronteau, agrandissement de l’école du village, refaire les ponceaux et les « calvettes » et construire une route carrossable jusqu’au lac de Claude pour y amener les touristes. Il voulait faire de Rivière-à-Claude un attrait touristique. Robert Castonguay le réformateur social n’a pas réalisé tous ses objectifs, mais ceux qui l’ont vu à l’œuvre comme maire reconnaissent qu’il a marqué son époque.
Après sa carrière dans la fonction publique, Robert et sa merveilleuse Doris, « la magnifique » est revenu en Gaspésie pour la retraite. N’allez pas croire que l’homme d’action est rentré au « pays du grand large » pour se reposer. Immédiatement, il s’est engagé en politique municipale comme échevin de la ville de Sainte-Anne-des-Monts. Au conseil municipal, il a porté des dossiers importants notamment ceux du développement local et régional et celui du logement social. Son engagement social, il l’a poursuivi chez les Chevaliers-de-Colomb comme député d’état. À ce titre, il a plaidé avec conviction des valeurs profondes : l’égalité des chances, la justice sociale et le partage de la richesse, la solidarité sociale. Il a orienté les Chevaliers vers les plus démunis, bref vers les éclopés du système. Les mots me manquent pour exprimer ma gratitude envers Robert et rappeler sa généreuse collaboration dans le développement d’Opération Enfant Soleil en Gaspésie, un téléthon dont les fonds viennent en aide aux enfants malades du Québec. Nous nous sommes retrouvés en 1994 pour de belles soirées de discussions sur la Gaspésie et son avenir. Le sujet le rendait émotif, ses idées étaient fortes et fécondes bouillonnaient dans sa tête. L’indifférence des gouvernements à l’endroit de sa région natale le faisait rager. Que de belles choses furent dites lors de ces rencontres. Sa sincérité et la profondeur de sa pensée m’impressionnaient. Le fréquenter a fait de moi un meilleur gaspésien.
Cet homme à l’imagination créatrice et à la mémoire phénoménale laisse en héritage des écrits d’une grande richesse dont certains sont assez récents. Lors d’une conversation, il y a quelques mois, il m’a invité à partager ses dernières réflexions. Hélas, le temps, ce «grugeur» de vie , nous a manqué. Je formule la suggestion suivante à la famille de Robert : que ses écrits soient déposés à la Société d’ Histoire de la Haute-Gaspésie. C’est à mon avis, un patrimoine à préserver, à analyser dont certains sujets peuvent être résumés et publié sous forme de récit ou d’essai.
Vous me permettrez de souligner, le dévouement exceptionnel de Rémi son petit fils. Depuis plusieurs années, son accompagnement indéfectible aura permis à Robert de vivre paisiblement et en sécurité jusqu’à la fin. Un geste d’amour digne de mention. Alléluia!!! chantait la fervente Doris pour remercier le Très-Haut.
À tous ceux et celles qui les ont aimés, je dis : la mort qui hier a séparé Robert et Doris, aujourd’hui, les réunit. Néanmoins, je comprends votre tristesse et je la partage.
Mais, consolez-vous à l’idée que deux êtres de lumière viennent de vous précéder dans l’Éternité.
Matthias
lundi, 14 novembre 2016
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